dim.

22

oct.

2017

essai

qsdQSDqsd

lun.

28

mars

2011

Les contrats individuels pédagogiques

La construction du référentiel et notre appropriation

Lors de l'ouverture du BTS à Fontaineroux, il est nécessaire de nous approprier le cahier des charges de la formation qu'est le référentiel. Sa lecture fait émerger une question fondamentale : de quelle démarche est issu ce "résultat" construit ? Des industriels définissent des tâches professionnelles caractéristiques d'une profession : "outilleur". La commission de construction de ce document de référence a en charge de traduire ces tâches professionnelles en compétences et de définir parallèlement les "savoirs associés" qui définissent le champ technique professionnel qui sera mobilisé pour travailler les compétences.


Notre travail pédagogique d'application du référentiel.

Le référentiel du BTS ERO est le même pour toutes les formations en France. Pourtant les sections de Techniciens Supérieurs évoluent dans des contextes particuliers, et donc différents propres, à la zone géographique d'implantation (bassin industriel) et propres aussi aux types de lycées qui les accueillent. Sont-ils professionnels ou techniques ? Jouxtent-ils des laboratoires de recherche reconnus ? Accueillent-ils des élèves en formations par apprentissage ? Sont-ils dans un bassin industriel dynamique ou en perte de vitesse ?

Chaque équipe pédagogique fait donc ce travail régulier de recadrage de la formation en fonction des modifications du milieu d'implantation. A Fontaineroux, ce travail a vu la naissance des contrats individuels.

Une rencontre avec des cadres de l'entreprise automobile Renault nous a forcés à approfondir notre réflexion sur les productions élèves. Que produisent-ils, quand, pourquoi, pour quoi, comment, où ?

  • ·         Quand : tout le temps : pendant le temps scolaire mais aussi en dehors
  • ·         Où : à l'école mais aussi en dehors (à la maison, en entreprise...)
  • ·         Quoi : photos, textes, vidéos, croquis, programmes, modèles numériques, plans, exposés, pièces ....
  • ·         Comment : construction longue/rapide, sur l'ordinateur/sur papier/sur machine (notion de poste de travail)
  • ·         Pourquoi : leurs productions sont les résultats observables qui rendent compte de l'acquisition de compétences
  • ·         Pour quoi : pour nous permettent d'évaluer cette acquisition.

Ce sont ces deux derniers points que synthétisent les contrats individuels. Ils regroupent les problématiques dont la résolution guidera les constructions des résultats observables.

Les élèves choisissent des supports. Nous les aidons à faire surgir des problématiques issues du travail sur ces projets. Nous veillons à ce que la résolution de ces problématiques aboutisse à la production de résultats observables (réels, personnels...) cohérents avec ceux (théoriques) exposés dans le référentiel en parallèles des compétences.

C'est pour nous le seul moyen de valider l'acquisition des compétences par nos étudiants.

 

0 commentaires

lun.

28

mars

2011

Du concret à l'abstrait

De l'abstrait au concret : l'innovation

Nous sommes enseignants dans un lycée professionnel (300 élèves) à quelques kilomètres de Fontainebleau. C'est un lycée des métiers qui conserve une des rares filières Production en Ile de France. Des formations de niveau V et IV (3ème DP6, BAC PRO Technicien Usineur et Technicien Outilleur) et des formations de niveau III (BTS Industrialisation de Produits Mécaniques et Etude et Réalisation d'Outillage) se côtoient sur un même site. Les élèves de 2nd BAC PRO arrivent de collège, avec dans leur bagages : démotivation, troubles de l'apprentissage, manque de confiance en soi, impuissance apprise... Voici en quelques mots, le contexte dans lequel nous évoluons.

Pour définir plus finement ce contexte, rajoutons : "état d'esprit". Dans le respect des directives qui définissent le cadre de notre travail, nous avons pris le parti de bouleverser nos manières d'agir pour répondre à quatre problématiques :

2)     Comment attirer un jeune (un citoyen en formation et donc sous la responsabilité de l'Etat) dans ces sections ?

3)     Comment faire pour qu'ils s'y trouvent bien et qu'ils y restent ?

4)     Comment favoriser leur insertion professionnelle et leur épanouissement personnel ?

1)     Comment être un enseignant heureux dans ce contexte ?

Deux rencontres nous incitent à repenser nos réflexions pédagogiques suivant un point de vue particulier : "Du concret à l’abstrait" :

  • ·         Dans le cadre d'une réflexion en partenariat avec l'Association des anciens élèves ingénieurs des Arts et Métiers,
  • ·         et suite à l'intérêt que porte un Inspecteur Général de mathématiques ainsi que son collègue Inspecteur de l'Education Nationale sur la collaboration étroite entre enseignants de disciplines différentes (français-histoire, mathématiques et technologie) ciblée sur les capacités d'apprentissages des élèves de lycée professionnel.

Nous évoquerons dans un premier temps ce que signifie pour nous "du concret à l'abstrait" et la manière dont nous pouvons nous l'approprier en fonction du contexte dans lequel nous enseignons. Dans un deuxième temps nous apporterons des histoires vécues au lycée illustrant ce thème. Et enfin, nous proposerons des pistes de transposition entre les deux contextes : lycée professionnel / école d'ingénieur.

 

A - Que nous évoque le thème "du concret à l'abstrait" ?

Notre premier réflexe consiste à explorer un peu de sémantique pour survoler ce qui se cache derrière ces termes :

 

Définition du Petit Robert

Wikipédia

Concret

1)     Dont la consistance est épaisse (opposé à fluide)

2)     Qui exprime quelque chose de matériel, de sensible (et non une qualité, une relation) ; qui désigne ou qualifie un être réel perceptible par les sens (Homme : terme concret ; grandeur : terme abstrait)

3)     qui peut être perçue par les sens, ou imaginé (un exemple concret)

Le terme concret (du latin concretus, concrescere, se solidifier) définit ce qui peut être immédiatement perçu par les sens.

Abstrait

1)     Se dit d'une notion de qualité ou de relation considérée par abstraction. Qui n'existe que sous forme d'idée.

2)     Qui use d'abstractions, opère sur des qualités et des relations et non sur la réalité.

3)     Qui est difficile à comprendre, à cause des abstractions, par le manque de représentations du monde sensible.

En philosophie, la notion d'abstraction consiste à construire ou séparer certains aspects d'une chose ou d'une représentation par la pensée afin d'en saisir des caractéristiques communes. La pensée abstraite est regardée avec méfiance, de par son éloignement de la pensée réelle ou concrète. Néanmoins, en science moderne, l'abstraction est considérée comme une faculté de compréhension plus riche des phénomènes.

En psychologie, la pensée abstraite désigne l'aptitude à faire preuve d'abstraction, mais aussi à manipuler les concepts dans des raisonnements.

A partir de ces définitions, nous choisissons de nous appuyer sur le processus de la cognition pour définir ce que pourrait être "le concret" et "l'abstrait".

 

Définition du Petit Robert

Wikipédia

Cognition

Processus par lequel un organisme acquiert la conscience des événements et objets de son environnement.

La cognition est le terme scientifique pour désigner les mécanismes de la pensée. Historiquement, la cognition désignait la capacité de l'esprit humain à manipuler des concepts. Mais plus récemment, en sciences cognitives, le mot cognition est utilisé pour désigner non seulement les processus de traitement de l'information dits « de haut niveau » tels que le raisonnement, la mémoire, la prise de décision et les fonctions exécutives en général mais aussi des processus plus élémentaires comme la perception, la motricité ainsi que les émotions alors même que traditionnellement, affectivité et intellect ont longtemps été vus comme des mécanismes opposés. (reconnaissance que l'intelligence est plurielle)

 

Dans le processus de cognition, nous pourrions considérer que le concret correspond à ce qui est perçu par les sens. Nous pourrions y rajouter les images mentales. Le terme image mentale est utilisé en philosophie, dans le domaine de la communication et en psychologie cognitive pour décrire lareprésentation cérébrale mémorisée ou imaginée d’un objet physique, d'un concept, d’une idée, ou d'une situation.

L'abstrait serait tout le reste.

Le processus de cognition de l'élève est pour nous une boîte noire. Nous n'avons aucun moyen pour agir directement dans le processus lui même. Les seules choses que nous pensons pouvoir faire sont :

  • ·         observer, décrypter, évaluer, les sorties de cette boîte noire, c'est à dire, les actions et comportements de l'élève pour mieux ...
  • ·         ... faire varier les entrées pour "améliorer la construction de la pensée".

Nous ne recherchons pas à ce que les représentations des élèves, les signaux perçus, soient tel qu'ils sont vraiment (si tant est qu'on puisse le faire), nous ne recherchons pas la "vérité". Nous recherchons à améliorer en qualité et en quantité ce que la perception de ces signaux provoque en terme de construction de la pensée, en terme d'"abstraction".

Apprendre c'est donc utiliser le processus de cognition. Ce n'est pas nous qui faisons "apprendre" mais bien l'élève qui apprend. Le fonctionnement de la boîte noire n'est pas régie par des lois ni par le hasard. Il n'y a donc pas de règles préétablies que l'on pourrait découvrir et appliquer pour réussir à faire apprendre. D'autre part, ce n'est pas non plus complètement aléatoire et certains principes permettent d'améliorer la cognition.

Nous pouvons faire la même analyse en ce qui concerne la motivation. Celle de l'élève dépend de la représentation qu'il se fait de la situation qu'il est en train de vivre. L'élève, en quelque sorte, ne maitrise pas sa propre motivation, il est motivé ou il ne l'est pas. C'est un concept différent de la volonté qui suppose un acte volontaire de la part de la personne. Si un élève n'est pas motivé, nous avons deux choix :

15.  attendre que sa perception de la situation change (après un stage, avec la maturité, un accident de la vie...)

16.  changer la situation, pour qu'elle corresponde à des représentations qui suscitent la motivation.

Notre travail est donc de construire des situations d'apprentissages (un espace, des temps, des ambiances, ...) qui "donne à percevoir" un agencement de signaux

  • ·         qui favorisent des représentations qui suscitent la motivation et
  • ·         qui modifient la cognition.

C'est l'observation du comportement, des actions, des productions des élèves qui nous permettent d'évaluer la justesse des constructions des situations d'apprentissages. Chaque élève ayant sa propre "boîte noire", cela nous impose de différentier les parcours de formations.

 

B - Les actions : abstraire et concrétiser

Nous avons recherché comment Jean Piaget envisage l'abstraction. Il définit une abstraction simple, une abstraction réfléchissante et surtout l'action d'abstraire.

 

1 - L'abstraction simple

Elle consiste à se rendre compte, par exemple, que si deux pièces de même volume ont des poids sensiblement différents, ou de même poids mais de volume différent, la plus volumineuse est parfois plus légère que l'autre. C'est une première approche du concept de densité et reconnaissance "concrète" de la différence entre l'acier et l'aluminium par exemple.

 

2 - L'abstraction réfléchissante

L’abstraction réfléchissante consiste à construire de nouvelles connaissances et structures en prenant appui sur des coordinations d’actions ou d’opérations déjà acquises. C'est l'abstraction d'une propriété tirée, non des résultats de l'action exercée sur le monde, mais des coordinations de schèmes qui ont été mises en œuvre.

A la différence de l'abstraction simple qui porte sur des objets physiques ou des aspects matériels de l'action, l'abstraction réfléchissante porte sur les opérations mentales du sujet (l'élève dans ce cas), elle se déroule suivant deux étapes :

  1. un "réfléchissement" qui introduit des représentations d'un niveau supérieur à celui qui régulait l'activité (l'action pure) avant cette abstraction *
  2. une réflexion qui organise ces nouvelles représentations.

L'élève a abstrait la notion de posage isostatique d'une pièce dans la machine d'usinage. Une fois la pièce réalisée, lors du contrôle sur une Machine à Mesurer Tridimensionnelle, il réfléchit à la construction du référentiel de mesure en projetant l'abstraction construite dans le cadre de l'usinage (*) et il réorganise ces nouvelles représentations dans le nouveau contexte de la métrologie.

L'abstraction simple en reste au niveau des liaisons entre moyens et buts, établies sur le seul critère de la réussite. L'abstraction réfléchissante introduit les raisons de la réussite qui lui donne une signification. Cette hiérarchie des structures de régulations de l'action, correspond à la mise en œuvre de l'abstraction réfléchissante qui est récursive et ne présente pas de limite apparente. Ainsi, la prise de conscience des traitements à un niveau donné, introduit des traitements nouveaux, qui sont eux mêmes susceptibles d'une nouvelle prise de conscience et ainsi de suite.

 

3 - Faire abstraction - abstraire

Abstraire en pédagogie, c'est se dégager de l'aspect sensible des choses (les sens) pour raisonner à un niveau des structures. Plus un élève est capable de raisonner sur des "abstractions" (substitutions de modèles à la réalité -> une gamme d'usinage par exemple), plus il sera en mesure de généraliser, donc d'agir efficacement dans le réel.

 

4 - Le retour au réel : concrétiser c'est innover :

J'innove parce que :

  1. je suis capable d'abstraire c'est à dire de construire des structures intellectuelles (des modèles),
  2. et qu'ensuite je suis capable de concrétiser, c'est à dire dans un contexte donné par rapport à une problématique posée, en s'appuyant sur les structures que j'ai réussi à construire (abstraire), je suis capable de trouver des solutions nouvelles. C'est dans ce retour au concret que se trouve l'innovation

C - La gamme d'usinage !

1 - L'exemple est-il pertinent ?

Il nous semble pertinent pour les raisons suivantes :

  • ·         c'est représentatif de ce que l'on fait avec les élèves (gamme de conception, d'usinage, de contrôle)
  • ·         La structure de la gamme d'usinage n'a pas changé depuis un siècle. Par contre les solutions mises en place sont radicalement différentes et ont largement évoluées. Si nous parvenons à ce que les élèves abstraient la notion de gamme, alors ils seront capables d'innover dans les processus de production de pièces. Ils réussiront à se détacher des solutions de gammes déjà rencontrées (concret), à s'appuyer sur la structure de gamme (abstrait) qu'ils se sont construit pour développer des nouvelles solutions (innovation concrète).

Souvent, dans certains lycée, on apprend encore aux élèves de seconde qu'une gamme c'est une feuille A4 contenant un certain nombre d'informations, nom de la pièce, matière, nombre de pièces, les machines à utiliser, le positionnement de la pièce ... Pour nous, la gamme est justement quelque chose de plus complexe qu'une feuille A4 : c'est une abstraction, c'est une structure d'organisation, c'est un concept. La feuille A4 complétée n'est que la représentation concrète (pour une pièce donnée dans un contexte donné) d'une réflexion très complexe, abstraite. Nous souhaitons que les élèves se détachent de la représentation concrète de la gamme (pour mieux pouvoir s'en détacher et la remettre en cause si nécessaire) et pour réussir à abstraire la notion de gamme nous voulons qu'ils arrivent à conceptualiser. Nous considérons que notre travail est de les aider à se détacher au fur et à mesure du concret, à les aider à faire émerger le résultat de l'abstraction donc les aider à abstraire. C'est pour ça que nous ne commençons pas par leur apprendre de manière théorique ce qu'est une gamme (notre abstraction à nous !) pour ensuite leur en faire construire. Nous ne souhaitons pas que les élèves soient capables de reproduire les gammes d'hier, nous souhaitons que les élèves puissent concevoir les gammes de demain.

 

2 - Une gamme tout chocolat

Ce travail commence, cette année, dès la troisième. En effet, un groupe d'élèves a choisi de faire de la mousse au chocolat. Ils sont plongés dans l'action immédiatement avec comme seule contrainte de prendre des photos qui retracent leur action. Lors de la dégustation faite par un "jury", les mousses sont comparées et une discussion s'engage sur leurs qualités. En posant des questions aux élèves sur les "outils" utilisés, sur le "temps" mis pour battre les blancs, sur la "rapidité" du fouet et en évoquant les qualités des mousses (texture, goût, aspect, couleur, homogénéité...), le "jury" amène les élèves, en suscitant des relations (vitesse du fouet <-> tenue des blancs ...), à l'analyse réflexive.

 

a - L'analyse réflexive : la rédaction

Cette séance est bien plus qu'un moment détente ! Elle a beaucoup de sens. L'enseignant amène ensuite les élèves à construire une recette guidée. C'est très difficile pour eux de "rédiger". Ils vont le faire pas à pas en commençant par trier les photos et par les organiser en ordre chronologique. Ensuite, ils vont les légender, puis lister les "outils" nécessaires, reporter les temps, qualifier les actions (lentement, délicatement, vigoureusement...) etc. Sans qu'à aucun moment ne soit évoqué le terme de "gamme", ils auront construit leur première gamme dans un contexte très éloigné de celles qu'ils feront par la suite lors de leurs formations. Mais les images mentales, construites pendant cette situation d'apprentissage, sont très fortes. L'air de rien, un premier niveau d'abstraction est atteint.

 

b - L'analogie

L'année prochaine, lorsque ces élèves seront en Bac Pro et qu'ils rencontreront une gamme de fraisage, nous pourrons réactiver ces images mentales par un : "pas de panique, c'est comme la recette de la mousse au chocolat, il y a des outils, des temps, un ordre chronologique, des conditions de travail (conditions de coupe) et du contrôle (l'avis du jury sur les mousses)". Nous pourrons faire appel à ce processus mental très important, qui est lié à la créativité et qui repose sur les capacités d'abstraction : l'analogie. En étendant la gamme à un autre contexte, cette notion devient nécessairement abstraite pour l'élève car elle est valable pour la réalisation de la mousse au chocolat comme d'une pièce d'usinage. Une manière d'évaluer quel est leur niveau d'abstraction du concept de gamme, est de leur demander, si la recette et la gamme sont une et même chose. Lorsque la réponse est oui c'est qu'un certain niveau est atteint.

L'organisation de notre enseignement a pour objectif de guider les élèves pour les aider à abstraire. C'est un processus long, qui prend plusieurs années. Cela impose un travail d'équipe pédagogique très fort entre acteurs de chaque niveau de formation (3ème, BAC PRO, BTS, Licence).

 

3 - Quatre phases dans la capacité d'abstraction.

  1. Au départ, L'élève agit sur des gammes préétablies. Il travaille à partir d'informations "structurées". Cela signifie qu'elles mêlent le modèle (l'abstrait), la structure et la solution concrète mise en place dans ce contexte donné. Par exemple, l'élève de seconde Bac Pro fabrique une pièce grâce à une gamme construite et des procédures de mise en œuvre des machines. C'est algorithmique.
  2. En première, accompagné par l'enseignant, il va fabriquer une nouvelle gamme sur une nouvelle pièce. Il va donc devoir utiliser le modèle abstrait de gamme qu'il s'est construit. Il ne travaille pas avec ses sens, il travaille uniquement avec son cerveau, c'est une action intellectuelle. Ensuite, il va à l'atelier mettre en œuvre cette gamme et il va se rendre compte, dans le concret, que certaines choses vont fonctionner (les connaissances bien acquises) et d'autres non (les connaissances non acquises). Puis il va modifier sa gamme. Il abstrait de nouveau en revoyant le modèle de gamme, il corrige et donc il construit de nouvelles connaissances. Puis il repasse dans le concret... Au fur et à mesure, il va être capable de clarifier et décomposer :
  • ·         la structure qui correspond à la notion abstraite de gamme (qui est personnelle),
  • ·         des solutions concrètes, mises en place dans un contexte donné.

Il fait l'action d'abstraire. Il repère une structure redondante dans des concrets différents. Il est guidé et travaille à partir d'informations "structurantes". Cela signifie qu'elles mêlent le modèle (l'abstrait) et une partie seulement du concret (les pistes que propose l'enseignant). C'est l'heuristique.

  1. Un jour, dans l'industrie, il va devenir, par la force des choses, un expert. Il sera capable de faire n'importe quelle gamme pour n'importe quelle pièce. Il travaille à partir de problématiques (une question : comment réaliser cette pièce ?), ce sont des informations "non structurées". Cela signifie qu'elles sont réduites à leur minimum et que le technicien concrétise sans cesse à partir de l'abstraction qu'il s'est construit au fil de son expérience.
  2. Un jour, il n'y a plus suffisamment de commandes ... Soit il reste expert, et ne change pas, soit il est capable de changer les modes de productions en investissant dans des palpeurs 3D dans les centres d'usinages, des palettes EROWA et des robots pour automatiser le chargement des machines et de remettre en cause tout le processus de production (la gamme). S'il est capable de prendre la deuxième direction, c'est qu'il est potentiellement apte à reconstruire, à partir d'un concret qui ne marche plus, un nouveau niveau d'abstraction. Il remet en cause son expertise qui n'a donc plus de valeur pour en reconstruire une autre. Sa valeur se situe dans sa capacité d'abstraction et sa capacité à retourner vers du concret mais du concret qui est complètement nouveau : l'innovation.

Notre démarche progressive qui consiste à travailler à partir d'informations structurées (Algorithme), puis structurantes (Heuristique), puis non structurées (problématique, question ou inconnu), permet de construire les capacités d'abstraction. C'est privilégier une approche inductive. Le manque de capacité d'abstraction pour les élèves n'ayant pas le niveau pour faire une prépa est peut être liée à une prédominance de la démarche déductive, en particulier au collège et au lycée. Ce mode d'enseignement (déductif) a peut être moins d'influences sur des jeunes capables de construire seuls leur capacité à abstraire, ce qui leur permet d'être en situation de réussite au collège puis au lycée.

 

D - Une démarche pluridisciplinaire pour former à l'abstraction

Cette capacité à abstraire est très complexe à développer, nous avons très peu de prise sur cette démarche propre aux élèves. Par contre, nos outils sont nombreux pour bâtir des situations qui mettent tout en œuvre pour influer sur sa construction. Une des disciplines qui nécessite une forte capacité d'abstraction sont les mathématiques. En effet, c'est un domaine qui manipule des concepts et qui a un rapport particulier à la réalité en pouvant être purement intellectuelle (cognitif). Les outils manipulés sont en eux-mêmes très peu reliés à des réalités concrètes. Cela ne signifie pas que les mathématiques sont éloignées de la réalité, bien au contraire. C'est sur ce thème que la collaboration avec l'enseignant de maths se construit autour de la démarche d'investigation :

  • ·         Faire émerger une problématique,
  • ·         Elaborer des hypothèses et des conjectures,
  • ·         Tenter des expériences,
  • ·         Confronter sa démarche et ses résultats avec le groupe classe,
  • ·         Analyser.

Nous nous appuyons sur une zone commune de l'enseignement des mathématiques et de la production qui est la physique. La formation des producticiens leur permet de relier les problématiques techniques rencontrées sur les projets à des phénomènes physiques. L'enseignant de mathématiques, qui en lycée professionnel est aussi enseignant de physique, maitrise non seulement ces phénomènes physiques mais aussi l'utilisation des outils mathématiques adéquats pour étudier ces phénomènes. La physique devient un lien, une zone commune pour notre travail collaboratif.

Les élèves apprennent à abstraire :

  • ·         en prenant appui sur des problématiques techniques
  • ·         qu'ils traduisent en phénomènes physiques,
  • ·         en faisant appel à ces outils abstraits fournis par les mathématiques pour étudier ces phénomènes à travers des expériences, des mesures ....

Ils le font d'autant plus facilement que cette démarche a du sens car elle prend racine dans le concret et que ces outils s'imposent d'eux-mêmes par leur capacité à apporter des réponses aux problèmes concrets.

Ce n'est pas tant la compréhension et l'acquisition des savoirs mathématiques qui amènent à l'abstraction mais bien les liens qui sont construit entre :

  • ·         la problématique technique de départ
  • ·         qui est traduite en phénomènes physiques et
  • ·         qui sont ensuite analysés grâce aux outils mathématiques.

Abstraire en soi n'a pas grand intérêt, ce qui est important c'est de bien "abstraire" pour mieux "concrétiser" ensuite et donc innover.

Nos élèves bénéficient également du travail collaboratif des enseignants de production et de sciences avec l'enseignant de lettres et histoire. Il apporte ses compétences de pédagogues à la construction de la capacité des élèves à mettre en "mots" leurs actions d'abord, les réflexions et le fruit de leurs abstractions et à replacer leur travail dans un contexte historique, social et politique.

De la même manière qu'une démarche pédagogique sur le long terme (3ème, BAC PRO, BTS, Licence) est très importante pour la construction de la capacité à abstraire, une collaboration étroite entre enseignants de disciplines différentes est de ce fait indispensable. C'est le cœur du travail des équipes pédagogiques pluri-niveaux et pluri-disciplines.

 

E - La conceptualisation

Les élèves et étudiants du Lycée évoluent dans des locaux constitués « d’objets » soit concrets (machines-outils, ordinateurs, tableaux numériques…) soit abstraits (management, malléabilité, efforts de coupe…). Pour appréhender cet univers, le représenter, et donc pouvoir agir sur lui en pensée, chaque individu crée des concepts. Cela lui permet de faire des hypothèses d’action, d’évaluer leurs conséquences, de modifier ces hypothèses, d’imaginer, de peser le pour et le contre, etc., ce qui est souvent beaucoup moins onéreux que l’action concrète réelle. Cependant, si nous prenons comme exemple le concept de machine C.N.C., il ne faut pas confondre :

  • ·         l’ensemble des objets réels servant de référent,
  • ·         le mot symbolisant le concept,
  • ·         le concept lui-même.

Si nous reprenons l’exemple ci-dessus :

  • ·         l’ensemble des machines outils C.N.C. réelles constitue le référent,
  • ·         la machine outil que l’élève pilote est un exemplaire du concept,
  • ·         les mots machine-outil C.N.C. sont, en français, le symbole linguistique qui représente le concept,
  • ·         quand au concept de machine-outil, c’est l’idée de machine outil que vous avez à l’esprit.

On divise souvent les concepts en deux catégories, les concepts concrets et les concepts abstraits ou définis.

Le concept concret est un concept dont les représentants peuvent être touchés, manipulés, montrés (fraises à plaquettes rapportées, plan papier, clavier, fibres carbone tissées…).

Apprendre ou retenir un concept concret, c’est pouvoir classer un exemple jamais rencontré de ce concept, dans la catégorie à laquelle il appartient. Si un élève lors d’un stage voit pour la première fois un matériau d’aspect curieux, usinable et qu’il se dit « c’est un type d’acier », il fait la preuve qu’il connaît le concept d’acier (il l’a retenu). Il est aisé de transposer cela à des situations d’apprentissage. Pour vérifier qu’un concept à été conservé, Il suffit de demander à un élève de classer un représentant jamais rencontré de ce concept dans sa catégorie (le verre ou céramique usinable par exemple). Si cette performance est accomplie correctement un certain nombre de fois, on peut en inférer que le concept a été retenu. C’est une valeur ou compétence qui rentre dans l’apprentissage structuré. On peut également demander à cet élève de proposer un nouvel exemple du concept et dans ce cas, c’est une première situation structurante qui sera démontrée.

 

1 - Quel statut accorder au concret dans notre pédagogie ?

Nous pouvons tenter de répondre à cette question en faisant référence aux deux approches classiques d’apprentissage scolaire et de prestation de cours : la démarche inductive (aller du particulier au général) ou la démarche déductive (aller du général au particulier). Les deux approches, dans notre équipe pédagogique, ont leurs défenseurs, et si aujourd’hui aucun résultat de recherche nous permet de trancher entre les deux méthodes, notre expérience nous conduit à soutenir la position d’un de nos collègues : « Il est rare qu’un élève puisse construire une nouvelle notion sur la seule base de notions connues et que cela puisse se faire par des formulations générales abstraites sans passer par des exemples. Ce n’est sans doute possible que dans les domaines où il est déjà très expert… » L’exemple n’est pas seulement une illustration d’une notion dont le contenu aurait été transmis par un énoncé général, c’est une particularisation qui permet de construire le contenu abstrait. Les formulations générales sont essentielles mais elles viennent dans un second temps pour focaliser l’attention sur les généralisations pertinentes et les fixer peut-être en mémoire sous une forme verbalisée ou structurante.

Selon certains pédagogues américains, un concept abstrait ou défini « est une règle qui permet de classer les objets ou des événements ». Par exemples : « Un cadre dans une entreprise a une fonction qui se situe entre les opérateurs et techniciens, et le dirigeant de l’entreprise »,…ou, «  l’indépendance, c’est la situation d’une personne ou d’une collectivité qui ne subit aucune autorité ». Ce dernier concept « abstrait » reste très fortement ancré chez nos étudiants. Apprendre un concept abstrait, c’est être capable de classer un représentant jamais rencontré de ce concept dans la catégorie à laquelle il appartient ou hors catégorie (comme pour un concept concret). Donc, « penser » par exemple, c’est manipuler des représentants symboliques d’objets.

Il est donc nécessaire, du moins en ce qui concerne l’enseignement professionnel, de « partir du concret », c’est l’indispensable ancrage dans le réel et c’est ce que nous appelons « l’Action » (ou « être dans l’action »). Cependant, seul un niveau d’abstraction élevé peut rendre « l’apprenant » capable d’un bon transfert, de l’action à l’action. Comme l’aptitude à l’abstraction constitue l’un des buts principaux de l’éducation, une formation doit être une succession d’étapes structurées permettant d’accéder à des paliers logiques, afin de conduire progressivement l’apprenant à la maîtrise de l’abstraction. Construire une « histoire » autour d’un projet, de son projet, est pour un étudiant la compétence observable (action, rédaction et exposition) la plus forte et qu’il peut justifier devant un jury, présenter à un employeur, se gratifier à lui-même. C’est ce que nous appelons « la mise en place du non-structuré », théorie pédagogique apparemment abstraite car développée une fois de plus dans la « boîte noire » où le Structuré extérieurement concret et le Structurant, raisonnablement abstrait, sont nos données d’entrée et le non Structuré (bien défini) en devient l’acquisition confirmée.

 

2 - Une problématique à définir pour bâtir une nouvelle compétence : Mettre en place des outils cognitifs pour maîtriser son avenir

Ce qui est, dans l’existence d’un étudiant ou d’un adolescent le plus concrètement abstrait, c’est son avenir. Il puise dans son imagination (sa pensée) pour l’envisager, le rêver par des images mentales, mais nous savons en tant que catégorie sociale d’adultes, que cette idéalisation abstraite n’est que trop rarement concrétisée pour la majorité de nos élèves. Cette problématique est devenue obsessionnelle au cours de nos échanges au sein de notre équipe pédagogique et c'est le grand chantier actuel et futur de nos travaux de recherche.

 

F - Ceci n'est pas une conclusion

Ce que décrivent ces quelques pages serait en quelques sortes un fonctionnement intellectuel qui serait commun à tous, élève brillant en prépa comme élève en difficulté du fait de sa dyslexie. La différence fondamentale de ces deux sujets est leur capacité intrinsèque à construire, seuls ou non, leurs propres outils cognitifs.

L'élève en prépa a cette capacité à apprendre malgré l'école ! Notre engagement est de permettre au dyslexique d'apprendre grâce à l'école.

Un Gad'z Arts a cette prédisposition à abstraire sans en être conscient. Il est donc difficile pour lui d'améliorer de manière "volontaire" sa cognition. Le problème n'est pas qu'une construction d'outils mais plutôt de travailler sur le développement de sa métacognition. De la même manière, la démarche déductive encore majoritairement appliquée du collège à la prépa, le met rarement en situation de devoir retourner au réel, c'est à dire à "concrétiser" et donc à innover de manière consciente. Explorer ces deux pistes peut être un axe de réflexion pour que l'ingénieur Arts et Métiers développe tout au long de sa vie sa compétence à innover.

Notre expérience montre que des élèves de lycée technologique et professionnel qui rencontrent des difficultés à abstraire, lorsqu'ils y réussissent, retournent au réel et innovent sans appréhension. Cela peut déboucher sur des possibilités d'ouverture de recrutement vers des profils qui paraissaient inadaptés antérieurement à des études d'ingénieurs.

 

                                                  L'équipe pédagogique les @rts outillés

Karim Chekroune, Richard Douillet, Valérie Marty, Cyrille Moinard, Philippe Morin, Stéphane Paillot, Eric Pilaud, Daniel Pouzet, Christophe Scherg.

                             http://lesartsoutilles.jimdo.com/

 

 

1 commentaires

lun.

28

mars

2011

Le Développement Durable

Le BTS Etude et Réalisation d’Outillages et le BTS Industrialisation des Produits Mécaniques sont quatre formations de productions complémentaires : mise en forme de produits, industrialisation de produits. C'est pour cette raison qu'elles se déroulent ensemble, sur le plateau technique de production du lycée La Fayette à Fontaineroux et qu'elles sont en liens très étroits. Il en est de même pour les formations de niveau IV, les Baccalauréats professionnels Techniciens Outilleurs et Techniciens Usineurs. Notre établissement est détenteur du Label Lycée des Métiers de l’Ingénierie des Systèmes de Production Industrielle.

 

Nous sommes confrontés, depuis quelques années, à une perte de sens de ces métiers auprès des jeunes. Nous leur parlons "mise en forme de plastiques", ils pensent "pénurie de pétrole" ; nous parlons "usinage", ils pensent "délocalisation, pollution".

 

Ce sont donc eux qui nous poussent à aller vers une réflexion sur l'éco-conception. Ils sont préoccupés par ces questions qui interrogent leurs propres valeurs en tant qu’individus. Nous ne pouvons pas leur répondre : “Ce n'est pas dans le référentiel, nous sommes désolés !” (Le référentiel du BTS IPM est récent et en tient relativement compte mais celui du BTS ERO date de 1992 ! Pour situer l'époque : c’était l’année de naissance du téléphone GSM et 1millions d’internautes dans le monde avaient accès à une bonne vingtaine de sites web !)

 

Les problématiques que la Science et les techniques ne savent pas résoudre aujourd’hui, sont identifiées à un horizon de 30 à 40 ans : l’enjeu d’un développement durable qui préserve les ressources naturelles, l’accès à la nourriture pour 9 à 10 milliards d’humains, le besoin de mobilité qui va être multiplié par un facteur 5. Dans un contexte de mondialisation, innover est aussi impératif, tant pour les entreprises afin de maintenir leur compétitivité, que sur les territoires pour faire face au risque de marasme économique, de pauvreté et donc de régression sociale. L’industrie productive de notre région Ile de France est concurrentielle quand la performance environnementale devient un véritable levier de la compétitivité économique et que l’éco-design devient le pilier de sa créativité. La formation en éco-design dans notre école sert à donner forme à des concepts, à rendre visible et compréhensible une représentation du futur.

 

Et pourtant, dans l’enseignement de la productique, rien ne se passe…

 

Quelle stratégie pédagogique adopter dans ce nouveau contexte, où cette notion d'éco-conception est émergente, et quand toutes les solutions sont à trouver, à construire ? Comment permettre aux étudiants d’aujourd’hui de poursuivre le défi de l’éco-conception à l’horizon 2021, lorsqu’ils pourront s’appuyer sur leurs 10 ans d’expérience citoyenne pour être des forces de propositions ?


Dans développement durable, il y a "durable" … Ce ne sont pas les solutions qui sont durables mais la recherche de solutions qui doit devenir permanente, en étant capable d'asservir ces solutions aux évolutions de l'environnement.

La stratégie pédagogique qui s’impose est donc de se focaliser sur "la construction" en elle même. En s’appuyant sur une démarche d’éco-conception des produits, en permettant aux étudiants de la mettre en œuvre sur des projets particuliers, il est nécessaire de dégager une démarche plus globale de questionnements et de recherches.

 

Au travers des projets à caractères industriels, les étudiants font émerger des problématiques prépondérantes et nous les aidons à construire des solutions à fortes valeurs ajoutées en adoptant une démarche empruntée au design et à l’architecture.

 

Le développement pédagogique durable

Dans les années 1990, est apparue une nouvelle activité pédagogique qui semblait indispensable au bon déroulement de la scolarité professionnelle : les modules. Les élèves ont adhérés immédiatement, surtout quand le contenu développé lors des horaires définis s'adaptait à une démarche de construction pédagogique nouvelle.


Dans les années 2000, les modules ont été mis de coté, voir supprimés et sont apparus les PPCP et les TPE (Projet pédagogique à Caractère Professionnel - Travaux personnels encadrés). Une révolution, pas tant dans la démarche de projet, procédure que nous avions mise en place depuis une dizaine d'année, mais une fois de plus, dans l'approche pédagogique qui s'est naturellement établie avec les élèves (le développement du design sur les produits mécaniques par exemple).


Aujourd'hui le PPCP est tombé aux oubliettes pour des raisons qui nous échappent et est apparu depuis septembre 2011, les heures d'accompagnements personnalisés.


Ces trois outils : modules, PPCP, et maintenant l'accompagnement personnalisé sont et ont été des facteurs de développement considérables dans notre manière de travailler et donc dans notre rapport avec nos élèves et étudiants.


Aujourd'hui, nous avons intégrés les modules, les PPCP et l'accompagnement personnalisé, non pas en les appliquant sur des "plages horaires", mais tout au long de l'année, en fonction des rythmes d'apprentissages de chaque élève, des projets techniques développés par chacun, des innovations exponentielles qui se présentent chaque jour dans notre environnement, dans nos sociétés.

La pédagogie durable est bien une science humaine perpétuellement en changement ce qui la distingue d'une pédagogie "classique" qui dans sa conception, est devenue une pédagogique "insoutenable" dans notre école et surtout sur le plateau technique de production.


Comment employer le temps dont disposent les étudiants pour apprendre ?

Cette idée de durabilité et de construction, nous a mis dans une posture globale, à plusieurs niveaux, où 75% de notre temps (enseignants + élèves) est tourné vers ce qui se fait aujourd'hui (le savoir faire existant du plateau technique). Mais 25% de notre temps de réflexion est dirigé vers l'innovation, vers le futur, vers les questions auxquelles nous n’avons pas de réponses formelles. Et cela sur plusieurs plans :

  • ·         Le plan technique :
    • o    75% de notre temps consacré à la découpe emboutissage, l’injection plastique, l’usinage des métaux sur MOCN, la palettisation EROWA …
    • o    25% de notre temps consacré à ce que l'on ne maîtrise pas aujourd’hui mais que l'on va travailler à notre niveau scolaire : mise en forme et usinage des matériaux composites.
    • o    L’intérêt est double :
      • §  L’apport de nouvelles connaissances techniques.
      • §  La démarche intellectuelle de s'attaquer à un problème que l'on ne connaît pas (ni nous, ni les élèves) qui nous oblige à adopter une démarche de recherche.
      • ·         Le plan pédagogique :
        • o    75% de notre activité d'enseignement s'adosse sur des manières de faire que nous avons déjà testées et éprouvées : s’appuyer sur le socio constructivisme amène les élèves à proposer et mener des projets pour prendre en charge leur environnement.
        • o    25% de notre activité d'enseignement est tournée vers d'autres moyens d'apprendre.

Un exemple de Projet Collaboratif durable - SAGEM, Ecole des Mines de Paris

Les étudiants de BTS IPM ont l’occasion d’aborder des types de projets qui ont la caractéristique d’être développés à plusieurs niveaux, ingénieurs, techniciens supérieurs et techniciens et dans des spécialités différentes : conception, production, mécatronique… Ils ne peuvent aujourd'hui travailler qu’en co-conception et en éco-conception. Il en va de l’avenir professionnel de nos élèves et étudiants, futurs citoyens de notre planète.

La Sagem développe un drone de surveillance du territoire et confie ce projet à l’Ecole des Mines de Paris afin qu’elle réalise un prototype fonctionnel. Ces drones, déployés en convois, sont constitués de modules largués à une distance donnée. Equipés de caméras diurnes et nocturnes, ils sont pilotés en Wifi.

L’Ecole de Mines de Paris est chef de projet et prend en charge le cahier des charges de la Sagem. Les ingénieurs réunissent une équipe composée :

  • ·          d’étudiants du lycée Louis Armand pour l’électronique et la programmation  
  • ·          d’étudiants du lycée Robert Doisneau pour la conception de la structure
  • ·          et d’étudiants du lycée La Fayette pour la pré-industrialisation

Pour assumer leur rôle de chef de projet, ils mettent en place un moyen de communication et de partage de données afin que puisse avancer la démarche de co-construction et d’ingénierie simultanée (PLM Windchill). Nous récupérons, au lycée La Fayette, les données numériques relatives à une partie de la conception de la structure : ici, les trains roulants. Nos élèves examinent en détail l’ensemble des solutions proposées et suggèrent des modifications en vue de réduire l’impact environnemental :

  • ·          tantôt en concaténant les fonctions en vue de réduire le nombre de pièces,
  • ·          tantôt en proposant des formes plus ergonomiques
  • ·          tantôt en proposant des matériaux recyclables

En accord avec les concepteurs, les suggestions sont actées ou non jusqu’à obtenir une solution gagnante-gagnante. De la même manière, lorsqu’ils passent à la phase de production pure, c’est encore la préoccupation économique et environnementale qui les guide. Ils font de l’éco-conception liée au processus. Comment réduire les sources de pertes comme :

  • ·          les temps de réglage inutiles
  • ·          l’amortissement de la machine (le temps copeau)
  • ·          la consommation abusive de fluide de coupe
  • ·          la consommation d’énergie
  • ·          les multiples montages et démontages
  • ·          les déchets produits

Ce processus nous oblige à réfléchir sur la perte matière et donc la récupération, le retraitement ou la valorisation des déchets d’alliages légers ou de superalliages comme l’inconel.

Ces pièces sont l’occasion de tester l’usinage 5 axes d’un seul bloc de matière en un seul posage ; processus découvert et exposé par mes étudiants à leur retour de stage dans une entreprise travaillant pour l’aéronautique. Comment réaliser des pièces de structures extrêmement fines dans un bloc de métal conséquent ? Cette problématique engage des réflexions sur la résistance des matériaux appliqués à l’usinage, serrage, vibrations et le dégagement des copeaux à récupérer qui s’accumulent sur la pièce lors de l’usinage. Le geste dévoilé dans les opérations de montage et démontage de l’ensemble du drone nous donne un retour d’expérience sur la validité des choix faits et permet une validation des compétences et des résultats produits.

 

Le lean management

L’objectif principal recherché dans nos formations est de réduire drastiquement les temps d’occupation des machines outils. Le seul temps comptabilisé restant le temps copeaux qui correspond à l’occupation machine par chaque élève sur son projet.

Les deux formations jumelles, usinages et outillages, sur le même plateau technique de production, favorisent des réflexions de méthodes sur l’usinage des pièces et les techniques d’obtention des éléments ou ensembles produits :

  • ·          Usinage soustractif d’éléments à monter ?
  • ·          Usinage dans la masse ?
  • ·          Minimisation des reprises d’usinage (réduction de la gamme) ?
  • ·          Fabrication rapide, additive, de pièces complexes (formes) composées de matériaux exotiques non miscibles ?
  • ·          Minimisation des reprises d’usinage sur des pièces additives ?
  • ·          Pièces formées obtenues par moulage, découpage, emboutissage, soudage ?
  • ·          Minimisation des reprises d’usinage sur des pièces formées ?
  • ·          Pièces prototypées 3D ?
  • ·          Pièces prototypées réusinées ?

Le lean n’est pas un terme de plus traité en cours de gestion mais une problématique générale appliquée à toutes les productions durables réalisées sur le plateau. La palettisation et l’automatisation sont des outils pédagogiques autant que techniques qui donnent du sens aux économies d’énergies et à toute la réflexion sur l’éco-design.

Quel sont les objectifs pour les formations ?

Nous n’avons pas le profil d’une université. Nous sommes une petite structure, un laboratoire, un atelier. Nous choisissons de mettre en place, non pas une formation fournissant une main d'œuvre formatée techniquement mais une formation permettant de proposer une main d’œuvre agile (quand nous employons ce terme, nous pensons à la plasticité cérébrale), donc des techniciens et techniciens supérieurs flexibles intellectuellement, capables de s'adapter aux nouvelles problématiques et enjeux de l’industrie.

 

Nous ne formons plus, dans nos lycées professionnels et surtout sur le plateau technique de production, des tourneurs-fraiseurs-dessinateurs mais des techniciens et techniciens supérieurs en outillages et en industrialisations de produits.

 

Nous considérons que ce n’est pas parce que les élèves ont acquis une somme de savoir et savoir-faire qu’ils vont pouvoir construire une démarche intellectuelle. Mais bien au contraire, c’est parce qu’ils ont mis en place une démarche intellectuelle personnelle qu’il va leur falloir acquérir des savoirs et des savoir-faire pour alimenter leurs apprentissages.

 

On nous reproche souvent de mettre la charrue avant les bœufs, de lancer les élèves sur un centre d’usinage 5 axes avant qu’ils ne maîtrisent le changement de repère par le cycle 19 et les angles de coupes d'outils ! Peut être, mais c’est le développement durable qui nous y pousse puisque tout reste à construire !!! Nous sommes bien obligés de cibler l'apprentissage de la démarche intellectuelle nécessaire à l'émergence des futures solutions !

 

Pour atteindre ce but, la pédagogie indispensable dans l'enseignement est le constructivisme : le temps de construire. Une méthode pédagogique qui n'est pas figée, qui se développe, qui nous permet de travailler, d’innover en ayant du temps, chaque individu a le temps de construire ses savoirs et compétences sur son projet, un BEAU Projet. L’innovation est un mot très à la mode mais ne doit pas cacher la réalité des faits. Il ne suffit pas de créer des modèles, d’appliquer de nouvelles stratégies ou d’adapter des techniques de production. Il faut avant tout que la pédagogie soit adaptée (à la société dans laquelle nous vivons) et réponde à une véritable aspiration et demande de la jeunesse et des entreprises, celle et ceux qui constitueront l’industrie de demain.

 

Où se situe le partenariat école/entreprise ?

Le temps, est un écueil pour le partenariat école/entreprise sur des projets : le temps de l'entreprise n'est pas le même que le temps scolaire. C'est pourquoi nous situons plutôt ce partenariat au niveau des stages et de l'apprentissage. En effet, dans ces deux cas, nous conjuguons, non seulement le temps de l’entreprise (le temps du stage, de l’alternance ou de la Validation des Acquis d’Expérience) mais aussi le temps scolaire (temps d’analyse réflexive sur l’expérience industrielle).

 

Les élèves en stages ou en apprentissages s'accaparent le savoir-faire existant de l'entreprise concordant avec des éléments vus en classe. Ils vont travailler en équipe avec un chef d'équipe et ils vivent un type de management proche des relations avec les enseignants. Cela fait partie des 75% dont nous parlions précédemment.

 

Nous dégageons des “bonnes pratiques” : les élèves vont en stages, ils construisent un rapport d’activité que nous nommons également rapport d’étonnement. Il est analysés collégialement, les thèmes abordés sont relevés et capitalisés. L’analyse réflexive permet de dégager les 25% d’innovation qui peut être introduit sur le plateau technique. Cela concerne autant l’aspect technique (par exemple dans notre travail avec l’entreprise Roctool au Bourget du Lac sur les matériaux composites ou l’entreprise Méca-Distribution à Vulaines sur la gestion du magasin) qu’en pédagogie, avec une réflexion sur le management nodal et l’intelligence collective.

 

Comment penser le complexe ?

La valeur ajoutée que produit le plateau technique réside dans notre capacité à croiser "veille technique" (fil de trame sur lequel on met en place la relation avec les élèves) et "veille pédagogique" (fil de chaîne qui représente la forme et la manière dont on se comporte). Nous tirons notre force de notre capacité à tisser ensemble ces deux éléments. Cette démarche nous permet d’augmenter, de faire évoluer sans cesse, le savoir-faire du plateau technique et ainsi de conserver tout son sens à nos formations. Cela ne sert à rien d’investir dans un robot pour charger les centres d’usinage si nous ne faisons pas évoluer notre pédagogie.

 

Pour innover dans nos Lycées, il faut expérimenter ! L’enseignement, et particulièrement l’enseignement technologique et professionnel doit préparer à l’émergence des possibles et non à la répétition.


L’éco-conception est un terme traduit de l’anglais “eco-design” pour parler d’un design respectueux de l’environnement. Cela fait partie du design durable traduit de l’anglais "sustainable-design" qui intègre l’aspect environnemental, social et culturel au processus de conception.

Nous adoptons une démarche de design durable qui regroupe :

  1. Une éco-conception : qui est une réflexion sur les matériaux et leur process : process d'obtention des pièces en elles-mêmes mais aussi de leurs outillages.
  2. Une éco-organisation : qui lutte contre l’exclusion et les discriminations, qui permettent aux filles et aux handicapés de démontrer toutes les facettes de leurs caractéristiques. L’éco-organisation nous facilite la construction des situations scolaires complexes qui donnent à tous ces jeunes la possibilité de développer pleinement leurs compétences. Un des avantages que nous avons encore sur la Chine et d’autres nations en voie de développement est que leur main-d’œuvre est bon marché et les éloigne donc, pour le moment, des questions de robotisation, d’optimisation des process ou de suivi des flux matériels et immatériels des productions. C’est là le cœur de notre projet H@ndiméca, l’intégration de tout le cycle produit, de la conception aux flux d’informations et de matières, en passant par la qualité, la traçabilité et surtout l’interopérabilité entre les systèmes (Chaîne numérique) et, la caractérisation des produits.
  3. Une éco-production : qui guide les choix des supports logistiques matériels et la conception des process d’utilisation de ces matériels. Nous n’utilisons pas le terme process pour être "in" mais dans notre réflexion, il synthétise le procédé et le processus. La première norme sur laquelle nous nous appuyons est issue d’une méthodologie développée par le CETIM « Produit mécaniques – Méthodologie d’éco conception », et elle nous permet, ainsi qu’aux industriels de la mécanique, d’intégrer l’environnement dans la conception de nos projets. Grâce à cet outil pragmatique, les producticiens peuvent s’interroger sur leurs produits, leur composition, la consommation d’énergie que nous générons, les taux de recyclage. Cette norme (NFE 01-005) apporte des gains non négligeables en matière d’impact sur l’environnement, tout en respectant les contraintes technico économiques.
  4. Une éco-évaluation : qui permet une gestion durable de l’information. Elle doit être construite, partagée, évaluée et utilisée pour privilégier chez nos élèves et étudiants la construction d’une capacité DURABLE d’apprentissage (PLM, web 2.0, cartes mentales, knowlege management). Le point clé est leur capacité à traiter cette information pour s’auto-évaluer : c’est à dire définir sa position par rapport à l’objectif à atteindre et être capable de construire une stratégie pour combler le GAP.

Cette manière de classifier en quatre pôles accroît la lisibilité de la notion de développement durable auprès des élèves.

 

Aux questions que nous posions en introduction :

  • ·         Quelle stratégie pédagogique adopter dans ce contexte ?
  • ·         Comment permettre aux étudiants de poursuivre le défi de l’éco-conception à l’horizon 2021 ?

Nous pouvons répondre que l'objectif est qu’ils acquièrent des outils intellectuels personnels mais aussi collectifs, des outils techniques, la capacité à les analyser, à les transposer. Par exemple : "je connais l'usinage classique, je connais le détourage de pièces thermoformées : comment je passe à l'usinage des pièces en matériaux composites mis en formes ? Quelles sont les différences, les points communs, les pierres d'achoppement ?"

 

C’est cet assemblage, technique et managérial ou technique et pédagogique qui va faire que nos élèves et étudiants seront capables de voir, de formaliser et de se confronter aux problématiques extrêmement complexes liées à l'éco-conception.

 

Nous espérons que cette démarche a retenu votre attention et qu'elle suscitera l'envie de poursuivre cette réflexion sur le plateau de production de Fontaineroux. Nos élèves vous accueilleront avec plaisir et pourront vous présenter des travaux plus complets sur les thèmes illustrés sur les feuillets annexes. Nous restons à votre disposition pour vous fournir les renseignements complémentaires que vous désirez.

 

 

L'équipe pédagogique "les @rts outillés"

http://lesartsoutilles.jimdo.com/

 

 

M Billaut - M Chekroune - Mme Marty - M Morin - M Paillot - M Pilaud - M Pouzet - M Pucciarelli -

M Scherg

M.Douillet et M. Moinard, Professeurs de Lettres/Histoires et de Sciences/ Mathématiques

Lycée La Fayette

Route de Fontaineroux - 77850 Héricy - 01 60 39 50 00 - 06 09 01 32 25 - lesartsoutilles@gmail.com

 

 

 

0 commentaires

Les contrats individuels pédagogiques

Vos commentaires :

Écrire commentaire

Commentaires: 0

 

 

Les @rts outillés s'adresse à tous les métiers de tradition technique tournés vers l'innovation,

l'innovation technique n'étant possible que par une remise en cause continuelle de la pédagogie par des expérimentations

mises en place dans l'enseignement professionnel et technique.

 

Flashcode

Suivez nous sur twitter

http://twitter.com/#!/lesartsoutilles

S'abonner à lesartsoutilles sur Twitter