En quoi la rédaction sur son action a des effets sur sa pratique ?

Notre réflexion est faite sur les conditions pour qu’une Rédaction (l’écriture) basée sur une Action (la pratique) devienne un mode de production de compétences. En 2006-2007 nous avons commencé à l’expérimenter et cette année 2007-2008 nous somme passé à un stade d’expérimentation et d’application.

Toute Action relève d’une démarche scientifique, c’est-à-dire que l’élève est placé dans des conditions d’expérimentation pendant lesquelles il est confronté, par son intervention, à des réalités ou situations complexes.

Ces situations font émerger des questions, des problématiques, qu’il va devoir décrire et solutionner par une Rédaction, adaptée à chaque situation, avant de transmettre, lors d’une communication orale, les contenus de cette expérimentation.

La communication orale fait appel à des outils dont la maîtrise est l’expression d’une compétence de niveau supérieur, mais son sujet sera traité ultérieurement.

  

En quoi la rédaction sur son action a des effets sur sa pratique ?

  

Jean Piaget : « le passage de l’action à sa verbalisation permet une prise de conscience et cette prise de conscience du schème d’action transforme celui-ci en concept ».

 

L’activité d’écriture est professionnalisante en cours de formation à condition que le dispositif d’apprentissage lui laisse une place significative, en moyens techniques, en temps, en importance dans le cursus scolaire par la valeur donnée à son évaluation, peut-être nous semble t-il, par la mise en œuvre d’une pédagogie de la maîtrise.

 

Le mémoire

L’écriture est un moyen de stockage traditionnel de l’expérience. Le mémoire professionnel est, pour une part au moins, un « procès verbal » qui fait la preuve, le jour de la soutenance, que quelque chose s’est effectivement passé.

Finaliser un projet par une production écrite en alliant réflexion et technique d’expression est porteur. C’est un fil directeur dans la démarche du projet (constat, élaboration, évaluation concrète), pratique essentielle à l’impulsion et au maintien d’une dynamique d’apprentissage professionnel.

 

S’il arrive qu’un étudiant ne parvienne pas à écrire sur ce qu’il a fait, ce qu’il a observé, il ait aisé de contourner la difficulté en insistant pour qu’il laisse sortir de lui ce qui est déjà là. Par exemple, en enregistrant une discussion que nous avons avec lui et en l’aidant à classifier ses notes, photos, plans… Dès qu’il retranscrit ce qui a été enregistré, il obtient un premier écrit. L’écriture dans ce cas, est entendue sous une forme descriptive de récit, de « mise en intrigue », d’argumentation et d’explication.

  

Problématiques

La formation professionnelle implique à la fois une transformation des représentations et l’acquisition de compétences nouvelles.

La remise en question (faire émerger la question) est un préalable essentiel à la distanciation critique, cette dernière ouvre les portes aux savoirs d’action.

 

Le formateur

L’éthique de la posture d’accompagnant c’est l’attention apportée à chaque élève. Cette posture découle d’une conception (auto-socio-) constructiviste de l’apprentissage.

 

Évaluations

Une seule, ou une succession d’évaluations formatives se construisant autour d’ « avant texte », production écrite livrée à une diffusion restreinte, par exemple à l’intérieur du groupe projet et élève/ professeurs puis, « texte », une production qui connaît une diffusion élargie auprès de l’ensemble de la classe ou des groupes projets. Elle est toujours évaluée positivement par une action sommative.

 

Il est demandé d’effectuer deux travaux d’écriture inhérents à l’action effectuée. Une description d’ensemble de l’action et un « zoom », c’est-à-dire l’analyse détaillée d’un point particulier de cette action ou ayant trait à une résolution d’une problématique décelée. Généralement, à l’atelier, on appelle cela une gamme, terme qui désigne une nomenclature de phases et contrat de phase. Il en est de même, dans ce qui est demandé à nos élèves, en ce qui concerne tous les types d’actions effectuées, que ce soit en construction, en contrôle de qualité, en gestion de production, en mécanique, en automatismes, en essais des matériaux…

Il en est de même au retour d’un stage en entreprise ou sur des travaux constitutifs à une réalisation particulière qui entre dans le cadre de ce que nous classifions par un « désir d’entreprendre ». Nous pensons plus particulièrement aux drapeaux et aux marques-page présentés par Cédric Mendès.

 

Oral

Le fait de pouvoir relire son texte ou, encore mieux, le fait de s’entendre le lire devant le groupe, produit un effet de récursivité aboutissant à une prise de conscience pour l’élève.

 

Thomas : « on a écrit, et en même temps on a compris comment on devait faire, et en faisant, on a compris ce que l’on devait écrire. Cela nous a beaucoup aidés ».

  

Expérimentation

Les actions proposées sont rarement radicalement nouvelles, étant entendu qu’antérieurement d’autres élèves ont pu les pratiquer à l’école ou lors d’un stage en entreprise, mais c’est dans la démarche : tu fais, tu réalises et qu’observes-tu, que se passe t-il ? Penses tu avoir la possibilité de modifier les paramètres du processus de façon à t’approcher d’une solution plus conforme à ce que tu veux obtenir ? etc…

L’objectif est double : d’une part collecter des données sur des démarches expérimentales, leurs effets et les conditions de leur fonctionnement, et, bien entendu de leurs efficacités. D’autre part, produire un effet de formation dans le cadre d’une démarche réflexive, concernant les représentations dans la formation professionnelle.

 

Compétences pour produire des textes fonctionnels

Ils savent tous écrire matériellement. Mais, ils affirment leurs compétences en analyse textuelle quand ils s’interrogent sur le « métalangage » des consignes : que signifie analyse ? Y a t-il une différence entre description et narration ? Entre narration et analyse ?

 

L’écriture met en œuvre une démarche de concentration sur les points où la parole explicative du prof, purement orale, tend à glisser (comme un pet de mouche sur une toile cirée) Elle offre la permanence d’une trace qui facilite la prise de distance par rapport aux actions, trace sur laquelle les intervenants peuvent revenir régulièrement pour la transformer et la transférer.

L’obligation de rendre les choses claires pour autrui oblige à clarifier, mieux analyser.

 

L’exigence d’un produit écrit final, communicable, implique de sortir du « réfléchir sur » (purement heuristique) pour arriver à un travail vraiment réflexif qui permet, à partir dune carte mentale de bâtir une « mise en intrigue, un scénario » très construit car algorithmique.

 

En écrivant dans un cadre scolaire sur leur pratique professionnelle pour être lu par d’autres, les élèves s’inscrivent dans un cadre social. Il leur permet de valoriser leur travail, de le faire connaître et reconnaître et ainsi de transformer leurs pratiques, c’est-à-dire leur comportement à l’école, transférable plus tard dans une société industrielle. « La compétence est un construit social qui requiert la reconnaissance par autrui d’une expertise sur un champ d’activité ». Martineau, 2000.

L’enjeu est identitaire. Cette identité structurée par la rédaction se fonde sur des valeurs. En écrivant sur leurs actions, les élèves transforment du ponctuel, du vécu en situation, en données distanciées car ils prennent du recul sur leurs gestes, leurs émotions, sur eux-mêmes. Par l’expérimentation dans l’action, puis grâce au travail de rédaction, ils gagnent en légitimité car être amené à décrire et analyser ses pratiques, entraîne forcément un processus de rationalisation et la constitution de multiples savoirs (connaissances ?).

 

Au fil du processus d’écriture, les élèves passent de propos entendus concernants les résistances à l’écriture « Je ne sais pas écrire, et de toute manière, je suis en technique et pas en Français ! » à des formulations plus positives sur leur rapport à l’écriture. Kevin, « Je ne savais pas que je savais écrire, j’ai envie de continuer », Cédric « Maintenant j’écris mes interventions, cela me permet d’apprendre mon texte à dire » (en complément du PP de présentation de stage).

Ces propos permettent de saisir quelques-unes unes des transformations vécues et perçues. En fait, ils savent écrire s’ils sont guidés et encouragés, et lorsque l’un d’entre eux s’étonne de ses capacités, ce n’est pas à propos de sa maîtrise ou non de l’écriture, mais de ce qui a pu être dit et entendu, écouté par les autres membres de l’équipe ou intervenants extérieurs. Yann Boulay « Je n’arrivais pas à m’arrêter, et tout le monde (jury d’EPS) a trouvé cela très intéressant, j’ai franchement été étonné ». Cette transformation du rapport à l’écriture permet de penser que les résistances de départ étaient en partie liées à la crainte du jugement.

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